Françoise BONNEROT – Techniques mixtes

Exposition du 4 novembre au 19 décembre 2024

Démarche

Travaillant essentiellement sur la fonction mémorielle de l’image, je mêle peinture, photographie et parfois texte et objets dans des séries et/ou des installations en relation avec l’espace vécu et de présentation, interrogeant les liens entre témoignage, imaginaire et poésie. Métissant des techniques anciennes et contemporaines, je questionne notre relation à l’Histoire, autant individuelle que collective. Je transfère la plupart du temps mes photographies retouchées numériquement et peintes à l’acrylique ou à l’huile sur différents supports, essentiellement des miroirs. J’obtiens ainsi des transparences et des réflexions de lumière fluctuantes, semant le doute quant à la réalité de ce qui est perçu.

Pour L’Esthète de l’Art, j’ai conçu une exposition autour de la question de l’image, suite à la lecture de J.C Bailly :

Il ne s’agit pas, ces images, de les sortir de leur époque ou de l’Histoire pour leur faire subir le cadre encore plus contraignant et plus étroit d’une quelconque intemporalité ou pour les mettre à tremper dans le bain des valeurs patrimoniales et/ou universelles. Non, toutes, autant qu’elles sont, sont filles de leur époque et c’est en tant que telles qu’elles dérivent immobiles dans le temps. Je ne suis pas en train de dire que l’on gagnerait quelque chose à effacer d’une crucifixion, par exemple, le fait qu’elle en soit une et à dire simplement croix, et bleu et or. Mais en même temps il y a croix et bleu et or, et plissé, et objets dans le fond dérobé, et douleur visible et extase. Comme il y a aussi que de cet horizon dressé de l’image la crucifixion est l’apothéose. Nous pouvons, mais ce n’est pas mon cas, prier devant une telle image, mais nous pouvons aussi, pour peu qu’elle le permette, la détacher de ce qui la cloue dans le signe pour faire revenir toute sa complexité d’image, tout ce que, par-delà l’évidence du signe qui en un sens est une nuisance, elle a cherché à extraire du monde : de la chair et de la lumière, des ombres et des choses tombées sur la terre, des choses vues ou pensées qui vont être des vues offertes à la pensée. Toute crucifixion est déjà, en peinture, une déposition, parce que toute peinture, toute image dépose devant nous, fait horizon devant nous de son dépôt. Dépôt, il va sans dire, c’est aussi le mot même qui nomme ce qui a lieu dans l’opération photographique.

Jean-Christophe Bailly L’imagement 2020
Fiction&Cie/Seuil

A l’heure des questionnements multiples et nécessaires autour de l’usage invasif de l’IA, j’ai approfondi mon rapport à la pratique numérique, que j’ai choisi d’utiliser uniquement comme un outil permettant de mener mes réflexions, procédant par divers tâtonnements et déplacements afin d’altérer le réel, valorisant ainsi le questionnement humain par rapport à la machine algorithmique, comme un témoignage de la présence du vivant.

L’image est illusion, c’est-à-dire pour reprendre la définition du Littré « une apparence dépourvue de réalité ». Pour Freud, l’illusion n’est pas nécessairement en contradiction avec la réalité. Dans mon travail, l’illusion de l’image numérique, immatérielle par nature, gagne en substance par le biais du miroir devenu à la fois support et reflet lumineux, ainsi que par le traitement pictural que je lui impose. Projectile et subjectile* deviennent intimement liés.

Ma démarche est autant poétique que littéraire, chaque mot ou définition prenant sa valeur dans sa mise en image. Par exemple, la série Extrusion/Océan reprend le vocabulaire des filtres de Photoshop. Si la photographie de départ est bien une prise de vue de cet océan, vécu, senti, ressenti comme espace infini à l’horizon parfois invisible, le rendu final de cette étendue marine n’est plus forcément visible, et ce sont les termes du langage numérique donnés en titre qui permettent d’en saisir pleinement le sens.

L’ensemble exposé, entre œuvres conçues pour l’occasion et d’autres plus anciennes, est à lire comme un jeu de piste, d’où la présence des livrets contenant les images originelles. Le titre de l’exposition Au seuil de l’image nous invite, le spectateur comme moi-même, à prendre conscience de la complexité de ces images, et à en franchir ou non le seuil*, lors de déplacements autant physiques qu’intellectuels permettant leur réception dans l’entièreté du paradoxe qu’elles constituent pour notre esprit humain.

Françoise Bonnerot
Octobre 2024

* DÉFINITIONS :
TLF : SUBJECTILE, subst. masc. PEINT. Surface externe sur laquelle le peintre applique une couche d’enduit, de peinture, de vernis. Pour la première couche, le subjectile s’identifie au matériau qui est appelé à recevoir le système de peintures (Peint. 1978). LAROUSSE : Surface externe d’un matériau, que le peintre doit revêtir d’enduit, de peinture, de vernis ou de préparation similaire. Les subjectiles peuvent être classés en 2 groupes : les subjectiles poreux (plâtres, mortiers de chaux ou de ciment, bétons, bois, cartons, textiles, etc.) et les subjectiles non poreux (métaux et alliages principalement). Tous nécessitent une mise en état très soignée avant usage.

LAROUSSE : SEUIL, nom masc. (latin solea, de solum, base) : limite, point, moment au-delà desquels commence un état, se manifeste un phénomène.

Série Correspondances

 

Série Réflexions

 

Série Fausses marines du matin

 

Série Hommage à Victor Hugo

 

Série Crépuscules

 

Série Dorée

 

Série Extrusion Océan

 

Hors série