Démarche artistique

Écrins nomades (Exposition de Frédérique Chevé)

Une série de boites qui abritent des impressions et des émotions avant qu’elles ne s’évanouissent, mais aussi des souvenirs liés aux lieux habités, puis quittés, abandonnés. Car les murs, les lieux rencontrés sont des témoins silencieux d’histoires, d’instants passés et peut-être à venir, réels ou inventés, vécus ou fantasmés.

Mettre en boite, dans un écrin délicat, tel un petit tiroir dans une vieille armoire, comme pour protéger, envelopper, abriter, parfois camoufler ce qui nous est précieux, intime, secret, mais aussi rare, fragile, fugace.

Embobiner, faire des pelotes de ces petits riens, des réminiscences de l’enfance, de nos rêveries quotidiennes, de nos errances passagères. Entortiller, enlacer, nouer nos vagabondages et nos vies nomades. Les bobines que je compose, tels des écheveaux ou des objets rituels sont autant d’histoires qu’on déroule ou qu’on rembobine à souhait, un méli-mélo qu’on démêle à l’infini.
Le geste, enrouler, superposer, recouvrir, par sa dimension répétitive, invite l’inconscient dans l’acte créatif, poussant l’âme à se confier, le non-dit à se dévoiler. Collecter, accumuler, jusqu’à ce qu’une idée émerge et qu’un assemblage prenne forme. Collectionner pour que les « tiroirs de nos vies » restent toujours pleins, que les souvenirs ne s’épuisent jamais. Mais aussi trier, classer ce qui a été accumulé et glané çà et là, rendre visible l’invisible, mettre de l’ordre dans ce qui est fragmenté, et dans nos réserves d’insondables rêveries.

Le fil et le textile se sont plus récemment invités dans mon travail. Je couds, le bruit de la machine me guide. L’aiguille pique, perce, avance. Les points de couture unissent papiers et tissus pour composer des assemblages qui racontent, qui évoquent. Le coton, le lin, la gaze et la tarlatane sont souvent teintés. Ils côtoient ainsi les papiers chinés, vieux ouvrages, partitions, plans et cartes routières dans des petites boites ou à la surface des toiles. Toujours, la poésie surgit.
Les mots sont piochés, découpés, assemblés pour composer de nouvelles réalités. Qu’ils soient collés ou griffonnés, ils font corps avec les matières et les couleurs et suggèrent une anecdote, orientent le lecteur, le guident dans sa rêverie.
Les pots de pigments sagement alignés sur les étagères de mon atelier côtoient désormais les encres qui teintent les textiles. Les tissus délicatement colorés sont ensuite embobinés ou marouflés sur la toile. Les nuances, tour à tour douces ou profondes, invitent au songe : blancs et beiges rosés, teintes fanées ou déclinaisons de bleus.
Sur les toiles, Je trace au crayon gris, à la craie sèche, au feutre noir. Certaines formes reviennent comme des leitmotivs : fenêtres, échelles, maisons-bouteilles, guirlandes et poissons. Les graphismes, points et tirets évoquent la pluie ou rappellent des motifs à caractère ethnique. Je ne m’explique pas toujours la raison de leur présence. Plus récemment, le végétal s’est implanté parmi la couleur, évoquant là encore nos racines.

 

Portrait de Frédérique Chevé

Frédérique Chevé naît dix minutes après sa sœur jumelle durant la canicule de 1976, à Rennes.

22 ans plus tard, elle quitte sa Bretagne pour rejoindre Lille avec en poche, un diplôme universitaire en arts plastiques. Elle se spécialise en histoire de l’art et se lance dans des ateliers d’art contemporain pour les publics fragilisés. Parallèlement, elle enseigne les arts appliqués au lycée et travaille comme guide au sein d’un musée. Elle peint déjà sur un coin de table et expose au sein d’un collectif d’artistes avec musicien et poète.

Elle pose ensuite ses valises dans la région de Toulouse où elle se consacre à la peinture puis s’envole pour le comté de Faulkner dans le Mississippi. Cette aventure américaine dure quelques années et marque un tournant décisif dans son parcours artistique. La naissance de sa fille là-bas va déclencher l’envie de se lancer dans la décoration de chambres d’enfants.

L’aventure d’Une bobine dans la soupe démarre ainsi à son retour en France. Quatre ans plus tard, désormais maman d’une deuxième petite fille, elle se lance en famille dans la rénovation d’une vieille maison en petite Camargue, dans la région de Montpellier.

Frédérique est aujourd’hui intervenante plasticienne, agréée par la DRAC, direction régionale des affaires culturelles, et travaille dans les écoles, collèges et lycées, les médiathèques, les foyers de vie, partout où la demande se fait jour. Dans l’atelier qu’elle s’est installé au bout de la maison, entourée de ses photos et objets favoris, elle utilise ses pinceaux, ses jolis pots de pigments et pioche dans ses boites remplies de matières chinées pour raconter, et faire rêver.

Expositions de Frédérique Chevé

7 secondes avec le soleil en noir et blanc, Cinéma le Métropole, Lille, 2001
7 secondes avec le soleil en couleur, galerie Les Pipots, Boulogne/mer, 2002
La Maison, MJC de Castres, 2004
Yoknapatawpha, galerie Frame up, Oxford, Mississippi, États-unis, 2005
Impressions françaises, Double Decker art festival, Oxford, 2005
13 enseignants-13 invités au château, Château-Musée Boulogne, juin 2006
Tree houses, cabinet médical Le Sourire, Lunel, juin 2016
Murmures, la poésie du chez soi, Librairie AB, Lunel, février 2017
Bobines, Magasin pittoresque, Lunel, juin 2018
Made in Lunel, office du tourisme, Lunel, décembre 2018

Pour en savoir plus, consultez le site de Frédérique Chevé.